Les fous et le Togo
Le monde avance, il avance à reculons. Il pleut des bombes, on applaudit. Il pleut des drones, on regarde ailleurs. On affame les enfants, on ne va tout de même pas nourrir ces potentiels terroristes. Parfois, certains s’indignent, puis les mêmes soutiennent. Le faible a forcément tort. On veut des hommes forts au pouvoir et on n’a aucun scrupule à voter pour des individus totalement déjantés, pourvu qu’ils paraissent forts. Le monde est fou.
En Afrique, les personnages les plus fous n’attendent pas les élections pour confisquer le pouvoir. Il leur suffit de dire que c’est pour le peuple qu’ils le font et cela passe. Il paraît que les populations veulent rêver. Pour les endormir, il suffit de leur dire ce qu’ils aiment entendre. Pas besoin d’être cohérent, pas besoin d’être logique. On peut tout promettre, les peuples, ce n’est pas très malin, en général. Faites-vous passer pour leur messie. Les miracles ? Pas besoins d’en faire, il suffit de les annoncer. Promettez-leur la mer dans le désert, la paix dans le monde en 24 heures. Plus c’est démagogique, plus ils y adhèrent. En plus, vous pouvez changer d’avis, d’objectifs. Au lieu de vous rappeler vos promesses, ils seront prêts à vous soutenir dans toutes vos actions, prêts à mourir pour vous. Le temps n’existe plus, vous pouvez, tranquillement, mourir au pouvoir. L’Afrique est folle.
Au Togo aussi, on veut le changement. On veut élire un candidat antisystème. On veut notre faux révolutionnaire. Nous qui avions inauguré les coups d’Etats en Afrique en 1963, nous qui avions vu les militaires prendre le pouvoir en janvier 1967, nous voulons un changement, à ce qu’il paraît. Notre ministre qui a écrit « L’Afrique malade de ses hommes politiques » aurait acquis aussi le don de sonder les coeurs. Il a vu, lui seul sait comment, que le peuple togolais a un rêve, celui d’intégrer la fameuse Alliance des Etats du Sahel, l’A.E.S. Le peuple dans son immense majorité souhaiterait la même chose qu’au Mali, au Burkina Faso et au Niger ? Euh… Pas exactement.
Au pays qui souvent disparaît de la liste alphabétique pour devenir « Aller » soit « to go », on ne souhaite pas qu’un capitaine s’empare du pouvoir en mettant ses supérieurs en prison et en envoyant la jeunesse civile combattre au front. Non, au Togo, on ne souhaite pas que l’on fasse des coups d’Etat militaire dans un autre coup d’Etat militaire. On sait très bien qu’ici, c’est impossible car l’armée est déjà toute puissante. Puissante pour « recadrer » une conférence nationale qui se croyait souveraine, puissante pour éviter le chaos en choisissant le successeur d’un président qui trépasse. Au Togo, on est plus fins, on n’est pas fous.
Le rêve du peuple togolais n’est pas de changer de maître en remplaçant la France par la Fédération de Russie en criant à tue-tête que c’est cela la souveraineté. Au maximum, on
pourrait espérer qu’un général fou prendrait le pouvoir pour garder en résidence surveillé un président démocratiquement élu. Mais même cela est tellement grossier que même dans leur rêve les plus déments, les Togolais n’imagineraient pas pareil scénario. Renverser un pouvoir civil et mettre des gens en treillis à leur place ne passerai pas plus, même pas pour une petite transition de deux à cinq ans. Ce genre de folie, pour nous c’est du déjà-vu. On aspire à mieux.
Pourquoi choisir entre la peste et le choléra quand on peut avoir les deux ? Nous, on négocie pour rentrer secrètement dans l’A.E.S. tout en restant dans la CEDEAO. Qui sait, peut-être qu’on en est déjà membre ! Au sommet, on s’est fait soi-même un coup d’Etat constitutionnel pour ne plus compter le nombre de mandats. On sait déjà fermer les chaines de radio ou de télé, on en suspend d’autres. Les journalistes qui parlent trop d’alternance politique font parfois des tours en prison pour apprendre à choisir leurs sujets. Quand nos prisons sont saturés par des voyous, des escrocs et des poètes, on envoie les rappeurs insolents se faire soigner en asile psychiatrique.
Qui sait, est-ce cela le secret de la stabilité politique de ce pays qui se désignait comme la Suisse de l’Afrique ? Soigner précocement les éléments de sa population qui souffrent de dépression. C’est pour cela qu’il n’y a personne d’assez fou pour jouer au nouvel homme. Faure, oups ! Homme fort du Togo.
Die Verrückten und Togo
Die Welt schreitet voran, im Rückwärtsgang. Es regnet Bomben, wir applaudieren. Es regnet Drohnen, wir schauen weg. Kinder werden ausgehungert – aber bitte, wir werden doch keine potenziellen Terroristen füttern? Mal empören sich ein paar, dann unterstützen dieselben wieder das Gegenteil. Der Schwächere hat zwangsläufig Unrecht. Wir wünschen uns starke Männer an der Macht und haben keine Skrupel, völlig durchgeknallte Leute zu wählen, solange sie nur stark wirken. Die Welt ist verrückt.
In Afrika warten die Verrücktesten nicht einmal auf die Wahlen, um die Macht an sich zu reißen. Es reicht, wenn sie sagen, dass sie es für das Volk tun – und schon ist die Sache gelaufen. Es heißt, die Menschen wollen träumen. Um sie einzulullen, muss man ihnen nur das zu erzählen, was sie hören wollen. Dazu braucht es weder Logik noch Kohärenz. Man kann alles versprechen – die Völker sind in der Regel nicht sehr schlau. Stellt euch als ihr Messias dar. Wunder? Braucht es keine, sie anzukündigen reicht. Versprecht ihnen das Meer in der Wüste, den Weltfrieden über Nacht. Je größer die Hetze, desto mehr Stimmen. Zudem könnt ihr jederzeit eure Meinung ändern, eure Ziele. Anstatt euch daran zu erinnern, werden sie euch bei jeder eurer Handlungen folgen, bis in den Tod. Zeit spielt keine Rolle mehr – ihr könnt ganz entspannt an der Macht sterben. Afrika ist verrückt.
Auch in Togo will man Veränderung. Wir wünschen uns einen Anti-Establishment Kandidaten. Unseren falschen Revolutionär. Wir, die wir 1963 die ersten Militärputsche in Afrika einleiteten, wir, die wir im Januar 1967 mit ansehen mussten, wie das Militär die Macht übernahm, wir wollen Veränderung – heißt es. Unser Minister, der „L’Afrique malade de ses hommes politiques“[1] schrieb, scheint nun die Fähigkeit erworben zu haben, in die Herzen der Menschen zu blicken. Er hat gesehen – wie genau, weiß nur er selbst – dass das togoische Volk einen Traum hat, nämlich der berühmten Allianz der Sahel-Staaten, der A.E.S., beizutreten. Das Volk in seiner überwiegenden Mehrheit wünsche also das Gleiche wie in Mali, Burkina Faso und Niger? Naja… nicht so ganz.
In diesem Land, das oft aus alphabetischen Listen verschwindet und zu „Aller“[2] oder „to go“ wird, da wünscht sich niemand, dass ein Hauptmann die Macht übernimmt, indem er seine Vorgesetzten ins Gefängnis steckt und die zivile Jugend an die Front schickt. Nein, in Togo will man keine Militärputsche inmitten eines Militärputsches. Hier weiß man ganz genau, dass das unmöglich ist, denn die Armee ist bereits allmächtig. Mächtig genug, um eine Nationalversammlung, die sich für souverän hielt, “zurechtzurücken“. Mächtig genug, um das Chaos zu verhindern, indem sie den Nachfolger eines verstorbenen Präsidenten bestimmt. In Togo sind wir klüger – wir sind nicht verrückt.
Der Traum des togoischen Volkes ist nicht etwa der, Herren zu wechseln, indem es Frankreich durch die Russische Föderation ersetzt und dann unter lautem Geschrei behauptet, das sei wahre Souveränität. Man könnte höchstens hoffen, dass ein verrückter General die Macht ergreift, um einen demokratisch gewählten Präsidenten unter Hausarrest zu stellen. Aber selbst das ist dermaßen dreist, dass sich die Togoer selbst in ihren wildesten Träumen ein solches Szenario nicht vorstellen können. Eine zivile Regierung zu stürzen und Leute in Uniform an ihre Stelle zu setzen – das würde ebenso wenig durchgehen, nicht einmal für eine kleine Übergangszeit von zwei bis fünf Jahren. Diese Art von Wahnsinn – das ist bei uns längst passé. Wir wollen mehr.
Warum zwischen Pest und Cholera wählen, wenn man beides haben kann? Wir verhandeln, um heimlich der A.E.S. beizutreten, während wir in der ECOWAS bleiben. Wer weiß, vielleicht sind wir ja schon längst dabei! Ganz oben hat man sich selbst einen konstitutionellen Staatsstreich verübt, um die Zahl der Amtszeiten nicht mehr zählen zu müssen. Radio- und Fernsehsender werden kurzerhand geschlossen, andere werden suspendiert. Journalisten, die zu viel über politischen Wandel sprechen, drehen gelegentlich ein paar Runden im Gefängnis, um zu lernen, wie man seine Themen auswählt. Sind unsere Gefängnisse mit Gaunern, Betrügern und Dichtern überfüllt, so schicken wir vorlaute Rapper eben zur Behandlung in die Psychiatrie.
Wer weiß, ob hier das Geheimnis der politischen Stabilität dieses Landes liegt, das sich einst als die Schweiz Afrikas bezeichnete? An der frühzeitigen Behandlung derer, die an Depression leiden. Daher ist niemand verrückt genug, den neuen Homme Faure, [3] ups! Homme fort [4] von Togo zu spielen.
Übersetzung: Christian Kühne
[1] Robert Dussey, Africa sick of its politicians: Unconsciousness, irresponsibility, ignorance or innocence?, 2008
[2] Franz. für „zum Mitnehmen“.
[3] Faure Gnassingbé, seit 2005 amtierender Präsident der Republik Togo
[4] Starker Mann
Madness and Togo
Progress does exist; the world is moving; it’s going backwards. Bombs rain down, people cheer. It’s raining drones, people look away. They starve children, well, of course we’re not going to feed potential terrorists are we. Sometimes a few people get outraged about the situation, then the same people are happy to pitch in. The weak are always in the wrong. We want strong men in power and we have no problem voting for totally deranged individuals, as long as they look strong. The world is insane.
In Africa, the most insane characters don’t wait for elections to seize power. They just need to say they’re doing it for the people and no one minds. It seems like the populace want to keep dreaming. To get them to fall asleep, all you have to do is say what they want to hear. You can be incoherent, you don’t need to be logical. You can promise them the world, the people aren’t too bright in general. Pass yourself off as the messiah. Miracles? Don’t bother, you just need to say they’re happening. Promise them the sea in the desert, promise them world peace in 24 hours. The more demagogical, the more they’ll agree with it. You can even change your opinion or your objectives. Instead of reminding you of your promises, they’ll be ready to support you no matter what you do; they’ll be ready to die for you. Time no longer exists, you can die peacefully and in power. Africa is insane.
We want change in Togo too. We want to elect an anti-system candidate. We want our fake revolutionary. We, who launched the African coups d’état in 1963, we who saw the army take power in January 1967—we want a change, or so it would seem. Our minister who wrote Africa Sick of Its Politicians must have also acquired the gift of reading minds. He saw—only he knows how—that the Togolese people have a dream, the dream of joining the famous Alliance des États du Sahel, the A.E.S.. Wouldn’t the vast majority of the people wish the same thing as in Mali, in Burkina Faso, and in Niger? Well, uh… not exactly.
In the country that often vanishes from the alphabetical list in order to become—“to go”, we’re not longing for a captain to take power by throwing his superiors in prison and sending the civilian youth to fight at the front. No, in Togo, we don’t want to have a coup d’état within a coup d’état. We know perfectly well that’s impossible here, because the army is all-powerful already. They’ve got the power to “reframe” a national conference that thought of itself as sovereign, they’ve got the power to avoid chaos by choosing a successor for a dying president. In Togo, we’re more subtle, we’re not insane.
The dream of the Togolese people is not to swap masters by replacing France with the Russian Federation while shouting at the top of our voices that this means sovereignty. At most, we might hope that a mad general seizes power to keep a democratically elected president under house arrest. But even that kind of scenario is so grotesque that the Togolese people wouldn’t picture it even in their craziest dreams. Overturning a civil power and replacing it with guys in fatigues won’t fly any more, not even for a little two- to five-year transition. That kind of insanity gives us flashbacks. We aspire to something better.
Why choose between the plague and cholera when you can have both? We, we negotiate to secretly enter the A.E.S. while staying in the ECOWAS at the same time. Who knows, maybe we already joined! At the summit, we did our own constitutional coup d’état so as to stop having to count the number of presidential terms. We already know how to shut down radio and television stations, others we suspend. Journalists who talk too much about a political shake-up do stints in prison, to learn how to choose what to write about. Once our prisons are fully stocked with gangsters, scammers, and poets, we send off the insolent rappers for a rest-cure in the psychiatric ayslum.
Who knows, maybe that’s the secret of the political stability of this country that calls itself the Switzerland of Africa? Pre-emptive treatment for those elements of the population suffering from depression. That’s why there’s nobody insane enough to play the new homme Faure, oops! homme fort [1] in Togo.
Translation: Samuel Langer
[1] strong man
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